L’énergie ou plutôt les énergies, font partie de notre quotidien, à tel
point que nous en oublions très souvent d’en mesurer toute l’importance
:: domestique, elle nous permet de nous mouvoir, de nous chauffer et de
nous éclairer :: industrielle, elle conditionne le bon fonctionnement de
nos activités économiques et leur possible expansion. Sa maîtrise
technique a fait d’incomparables progrès au cours de ces trois dernières
décennies, sous la double prise de conscience d’une utilisation plus
rationnelle et d’un plus grand respect de l’environnement.
Pas de gabegie, titre l’un des nombreux ouvrages paru récemment pour
aider à prendre toute la mesure des enjeux énergétiques mondiaux ::
question toujours d’actualité, tant l’énergie est une source de tensions
permanentes, qui sont liées à la fois à l’inégale répartition des
consommations et des réserves et à l’état de développement économique
dans le monde.
Irrésistible croissance des émissions de gaz à effet de serre, pollution
marine accidentelle par les hydrocarbures, stockage des déchets
nucléaires à longue durée de vie, déforestation du sud, pollution de
l’air dans nos villes, anniversaire annuel de l’accident de la centrale
de Tchernobyl et de ses impacts sur la santé publique, risques liés au
fonctionnement des centrales de certains pays d’Europe centrale et
orientale « en Bulgarie » etc.. autant de préoccupations légitimes
largement médiatisées et pas toujours exemptes de désinformation.
La politique énergétique de la France, repose d’abord sur un système
électrique performant. Mais à la veille du prochain Conseil des
Ministres de l’Energie, notre réflexion doit être aussi prospective ::
quelle libéralisation du marché européen de électricité ?? et demain du
gaz ??. Elle doit être également ouverte sur les évolutions mondiales
contradictoires :: va-t-on vers un écart mondial grandissant entre la
surconsommation des pays développés et la pénurie criante des économies
dites en développement ?? ou peut-on penser, à l’instar du dernier
Conseil mondial de l’énergie, qu’à horizon 2015, la demande mondiale en
énergie devrait croître de 30 à 100% essentiellement en raison du
développement démographique et industriel de l’Asie du Sud-Est et de
Amérique Latine ??.
Avant d’ouvrir quelques pistes de réflexion à partir de ces thèmes
rapidement évoqués, il faudrait brosser à grands traits, en un tour
d’horizon qui ne prétend nullement à être exhaustif, le panorama des
énergies primaires en France.
L’exploitation du bois
L’une des toutes premières, le bois, a fait l’objet d’une exploitation
massive, à la faveur d’affouages ou de ventes de coupes de bois par des
communes qui y ont trouvé une source parfois non négligeable de recettes
complémentaires. Mais peut-être a-t-on trop coupé sans se préoccuper
réellement de renouveler nos forêts en replantant suffisamment les
chênes, vieux jadis de 200 ans, n’ont pas tous été destinés aux
charpentes de nos toitures, aux tonneaux de nos vignerons ou aux meubles
de nos salons,. Aujourd’hui, utilisé souvent dans des cheminées inserts
pour doubler une installation de chauffage électrique dans les
constructions neuves, le bois garde encore la faveur du public, et
particulièrement en milieu rural. L’augmentation du parc de chaufferies
collectives au bois (sous forme de granulés ou de plaquettes) est
encouragée depuis le lancement début 1998, du plan bois-énergie par
L’ADEME là où l’industrie du bois est fortement implantée, le
combustible étant moins cher que le fioul.
L’usage du bois a représenté en 1998 neuf millions de tonnes équivalent
pétrole, soit entre 4 et 5% de notre approvisionnement global. ce qui
nous situe dans la moyenne européenne mais nos efforts de recherche sont
sensiblement inférieurs.
L’état de nos forêts appelle de notre part une vigilance constante, tant
sur le plan de l’environnement , pluies acides, incendies dévastateurs
:: :: que sur le plan d’une nécessaire régénération, investissement
d’aujourd’hui pour les décennies à venir.
Le charbon a-t-il un avenir
Le charbon, à qui nous devons d’avoir été pour une large part à
l’origine de notre révolution industrielle du XlX siècle, est
aujourd’hui marginal, avec la fermeture des mines nationales à moyen
terme, bien que l’on se soit doté de techniques performantes pour
l’extraire dans des conditions de plus en plus difficiles. Son coût
d’extraction, qui avoisine les 92 ? la tonne, ne peut rivaliser avec la
concurrence de l’ExtrêmeOrient, capable de produire un charbon bon
marché et une désaffection certaine de nos industries et des
particuliers qui l’ont ainsi condamné au déclin, n’ayant plus pour
utilité que d’alimenter quelques centrales thermiques (en 1997, nous
avons consommé 23 millions de tonnes de charbon, soit 6 % de nos besoins
en ( énergie primaire). L’Allemagne offre un contraste saisissant à cet
égard. lorsque l’on mesure les efforts très importants qu’elle engage
pour soutenir le charbon et le lignite de la Ruhr, et certains pays
comme le Vietnam, l’Indonésie, l’Afrique du Sud (que on dit assise sur
un tas de charbon) ou la Chine et en Amérique du Sud, le Vénézuéla ou la
Colombie, croient en son, avenir, avec espoir de multiplier par six ou
sept leur production d’ici dix ans.
Certains spécialistes pensent que le charbon bon marché peut, malgré ses
handicaps environnementaux. être la grande énergie de l’avenir en
fonction des progrès technologiques sur les lieux d’utilisation.
Aujourd’hui, en Europe, la bataille est intense avec le gaz naturel, et
le combat est plutôt en faveur de ce dernier. pace que chacun considère
comme normal le repli des charbonnages ouest-européens. Son avenir y est
très lié à électricité, à condition que de nouvelles technologies
permettent de l’utiliser dans des conditions respectueuses de
l’environnement,
La force de l’eau, d’usage millénaire, a été domestiquée par les
moulins, les forges, les roues aubes, qui se sont transformées en
moteurs hydrauliques puis en turbines, pour fournir de plus en plus
d’énergie avec une efficacité croissante. De grands barrages réservoirs
Tignes, Serre-Ponçon, Bort-lesOrgues ou Sainte-Croix, ont donné à la
production hydraulique d’électricité ses lettres de noblesse en
fournissant à notre pays l’énergie nationale de la reconstruction (56 %
des besoins en électricité en 1960). Le frein principal, outre la rareté
des bons sites et le durcissement des contraintes d’insertion des
ouvrages dans l’environnement, réside dans les tarifs d’achat consentis
par EDF, peu incitatifs et inférieurs de moitié à ceux pratiqués en
Allemagne. en Espagne ou au Portugal.
Pauvreté en gaz naturel
Le gaz naturel, dont la France est pauvre en réserves, en dépit de
l’importance historique du gisement de Lacq (nous ne produisons
qu’environ 8 % de notre consommation de gaz), représente 13% de notre
consommation privée d’énergie, pour une moyenne de 20 % en Europe.
Élément important du confort moderne, son coût de transport est beaucoup
plus élevé que celui du pétrole, de telle sorte qu’il n’est pas possible
de s’approvisionner à partir de sources trop lointaines. D’où la
nécessaire recherche d’une sécurité optimale, et pour pallier au mieux
les risques de défaillance d’un approvisionnement la France est de tous
les pays d’Europe, celui dont la diversification est la plus grande,
compte-tenu de l’état actuel de ses réseaux, préoccupation non
négligeable dans la mesure où la plupart des observateurs s’accordent
pour estimer que la consommation de gaz naturel est appelée à augmenter.
En 1997, nos approvisionnements ont frôlé le niveau sans précédent de
400 milliards de kwh soit 35,2 milliards de mètres cubes, en provenance
de Norvège. Russie et Algérie.
D’autre part, le réseau d’alimentation de la clientèle innerve
l’ensemble du marché français et il est connecté depuis l’origine aux
réseaux européens. Le gaz que nous consommons et qui vient de Norvège ou
de Russie transite par les réseaux d’autres pays européens. Si toutefois
nous avions à faire face à un problème d’alimentation, notre capacité de
stockage souterrain correspond à un tiers de notre consommation annuelle
et certains gros clients industriels sont en mesure de suspendre leur
consommation de gaz et de se reporter vers d’autres sources d’énergie.
Le marché unique du gaz européen, que l’Europe n’abordera qu’après avoir
adopté celui de l’électricité, aura pour objectif d’assurer au gaz sa
compétitivité on tant que source énergétique, et de maintenir avec les
pays fournisseurs des relations qui apportent la stabilité et la
sécurisation des investissements considérables qui seront nécessaires.
Et en pétrole
Comme cela a été souligné lors d’un récent colloque, face à une demande
soutenue, le phénomène majeur qui caractérise l’offre pétrolière est
incontestablement le retour des non-OPEP en 1994 et 1995, qui ont
capitalisé à leur profit l’essentiel du supplément de la demande
pétrolière mondiale (2,5 millions de barils par jour sur 31), ce qui
modifie la scène pétrolière mondiale. Entre 1985 et 1993, l’OPEP avait
accru sa production de près de 10 Mb/j, et les non-OPEP 2,5 millions de
barils par jour seulement.
De nouveaux gisements récemment découverts seront mis en exploitation
dès la fin du siècle en mer du Nord, aussi bien dans le secteur
norvégien que dans le secteur britannique, sans compter la découverte de
nouveaux gisements géants, accessibles à grande profondeur, au-delà de
200 mètres. grâce aux progrès de la technique, dans le Golfe du Mexique
et à l’ouest des Shetland.
Situation du nucléaire
L’énergie nucléaire, qui a soulevé des débats parfois passionnés, est,
elle seule l’histoire de la conquête de notre indépendance énergétique.
Depuis 1957, avec la construction de la centrale de Chinon, aux débuts
émaillés de difficultés liées à la filière à l’uranium nature dite
graphite-gaz-, jusqu’à aujourd’hui où plus de 80 % de l’électricité
française est d’origine nucléaire (à hase d’uranium enrichi, avec
Eurodif), c’est elle qui nous a permis d’amortir les chocs pétroliers
consécutifs à la guerre du Kippour en 1973, et qui, depuis cette date, a
fait passer notre taux d’indépendance énergétique de 23 % à 80 %, avec
un prix du Kwh très compétitif, le moins cher d’Europe à l’exception du
Danemark.
Le plan Messmer arrêté le 5 mars 1974. sous le Président Pompidou. va
nous faire passer d’un stade expérimental à un programme nucléaire très
ambitieux, rendu nécessaire par l’embargo et la hausse brutale des prix
du pétrole, qui sera poursuivi par paliers successifs jusqu’en 1981-1982
(aujourd’hui, 70 tranches nucléaires sont en fonctionnement). La
prochaine étape sera le renouvellement des centrales nucléaires arrivées
en fin de vie, vers 2010-2015. Une nouvelle génération de réacteurs est
à l’étude, selon un cahier de spécifications définissant des critères et
des règles de sécurité harmonisées sur le plan européen, Siemens et
Framatome ayant décidé, en 1989. de mettre en commun leur expérience et
leurs connaissances.
D’autre part, notre pays ne peut rester indifférent au grand marché
commercial actuellement en développement dans le monde. l’Asie, où le
Japon, la Corée et Formose, ont des projets de construction de centrales
nucléaires.
En Europe, la situation est contrastée. Pour y avoir effectué une
mission à la tète du Groupe d’Etudes de l’Energie au Sénat en septembre
1994, il paraît que l’Allemagne s’oriente vers un repli de
l’exploitation nucléaire, en raison d’obstacles reposant principalement
sur des motivations politiques et juridique, et de l’alternative
charbonnière, qui bénéficie d’un fort compromis national. Le poids
politique du Land de Nord-Rhénanie-Westphalie où sont concentrées les
mines de charbon et de lignite, fait du Kohlenpfennig la véritable
constante de la politique énergétique (il existe en effet depuis
longtemps des contrats entre les charbonnages allemands et les
producteurs d’électricité, qui assurent, avec la sidérurgie, les
débouchés du charbon allemand).
La Suède pour sa part, dont les formidables ressources hydroélectriques
subissent la pression des écologistes au même titre que les centrales
thermiques au charbon, est en train de reconsidérer son option
antinucléaire.
En Italie, après un moratoire de cinq ans, conséquence directe du
référendum de novembre 1987, la voie du nucléaire est réouverte pour ce
pays dont le taux de dépendance énergétique s’élevait à 81,4 % en 1994.
Malgré une tradition scientifique remarquable en matière nucléaire,
l’absence d’un réseau industriel rapidement mobilisable et la faiblesse
de l’administration centrale, malgré un plan national de 1975 qui
prévoyait une capacité installée supérieure au plan Messmer en France,
expliquent la lenteur du démarrage du programme nucléaire.
Énergies renouvelables
Les énergies renouvelables (éolienne, photovoltaïque, hydroélectrique,
géothermique, bois-énergie, biocarburants et valorisation énergétique
des déchets ménagers) contribuent aujourd’hui pour 15 millions de
tonnes-équivalent pétrole au bilan énergétique mondial, hors grande
hydroélectricité. Elles constituent un substitut intéressant aux
énergies fossiles, même si elles ne sont pas toujours un gage
d’économies d’énergie ; le photovoltaïque coûte cher mais peut s’avérer
rentable pour l’alimentation électrique des sites isolés. l’éolien,
faute de sites continuellement exposés à des vents soutenus, a un prix
du Kwh relativement élevé, quoiqu’en baisse sensible, puisqu’il a baissé
considérablement depuis 1980.
Les petites centrales hydroélectriques ; On en recense environ 1500 en
France, qui aujourd’hui ne produisent guère plus de 1% de notre
production électrique nationale qui peuvent s’avérer très rentables, ne
répondent plus. dans leur grande majorité, aux normes d’insertion dans
l’environnement La géothermie. essentiellement en Aquitaine et dans le
Bassin Parisien, bénéficie d’une technologie française en pointe, mais
l’amortissement des investissements pèse sur de nombreuses collectivités
locales qui se sont lancées dans des montages ( financiers rendus
hasardeux aujourd’hui par la baisse sensible du cours des énergies
fossiles. L’utilisation du bois énergie superpose la création de
filières structurées, depuis l’approvisionnement en bois jusqu’à la
maintenance des installations.
Actuellement, le surcoût de l’éthanol par rapport à essence est
d’environ 2 francs par litre du même ordre que celui de l’ester par
rapport au gazole grâce aux efforts de recherche développement menés
dans le cadre du groupement scientifique (Agriculture pour la Chimie et
l’Energie), et aux effets d’échelle industriels, la compétitivité
pourrait être améliorée d’ici 2005. D’autre part, le régime fiscal
dérogatoire dont bénéficie en France l’éthanol (exonération fiscale
large) et l’esther méthylique de colza (exonération totale) soulève les
interrogations de la commission européenne. concernant la comptabilité
de ces exonérations avec l’article 92 du Traité de Rome interdisant les
aides publiques et avec article 95, renvoyant aux taxes discriminatoires
à l’égard des produits importés.
Enfin. La valorisation énergétique des ordures ménagères permet. soit
d’atténuer le coût élevé du traitement des déchets, soit de
subventionner les factures de chauffage des administrés, valorisation
thermique ou électrique, ou bien encore, produire de la chaleur et de
l’électricité afin de revendre la première en hiver et la seconde on
été. Les choix existent, si l’on sait que sur les dix millions de tonnes
d’ordures ménagères qui. chaque année sont incinérées, 75 % font l’objet
d’une valorisation énergétique.
Prévisions et interrogations
Depuis le lancement de la politique de maîtrise de énergie en France en
1975, I’efficacité énergétique s’est améliorée de 21 %, aussi bien grâce
à l’apport de nouvelles technologies qu’aux changements de comportements
(investissements pour l’économie d’énergie, promotion des énergies
nouvelles) même si le renversement des cours du pétrole détermine un
plus ou un moins grand engagement des pouvoirs publics en faveur d’une
politique d’économie d’énergie
En vingt ans, la politique énergétique française a eu pour objectifs de
privilégier l’électricité d’origine nucléaire, indispensable pour
s’affranchir de la dépendance extérieure des énergies fossiles,
d’assurer la sécurité de nos approvisionnements en gaz en diversifiant
nos sources, et de sensibiliser l’opinion et les acteurs économiques à
une nécessaire maîtrise de l’énergie, doublée d’un encouragement pour
les énergies renouvelables et d’une meilleure prise on compte des
contraintes liées à notre environnement (composition des carburants,
exigences supplémentaires imposées à l’industrie du raffinage, nouvelles
technologies etc. autant de sujets qui sont matière à débat
aujourd’hui.). Sur le plan mondial, la question de l’énergie suscite
prévisions et interrogations, tant elle conditionne le développement
durable.
Dune façon générale, les réserves énergétiques connues sont suffisantes
pour satisfaire les besoins mondiaux des cinquante prochaines années,
mais, concentrées au Moyen-Orient et en Sibérie notamment, elles sont de
plus en plus éloignées des zones actuelles et surtout futures de
consommation.
Les gisements d’hydrocarbures de la mer du Nord ont été découverts : qui
aurait imaginé il y a trente ans qu’il serait possible de réaliser des
forages en grande profondeur en mer du Nord, alors que dix ans
auparavant on ne savait même pas qu’il existait de pareilles étendues de
terrains sédimentaires sous les océans ?. En outre, plusieurs provinces
pétrolières se sont développées (Brésil, Egypte, Afrique de l’Ouest),
les routes d’importation du pétrole se trouvant considérablement modifiées.
Progrès technologiques
On peut penser que les progrès considérables en matière d’exploration et
de production d’hydrocarbures réalisés aujourd’hui continueront demain,
permettant de faire passer le taux de récupération de 45 % à 60 % d’ici
20 ans, ce qui pourrait alors permettre de faire face à l’accroissement
des besoins et au maintien des prix.
Quant au gaz naturel, dont le prix reflète pour la plus grande part le
coût de son transport, il devrait continuer à être relativement
pénalisé, sauf progrès spectaculaires difficiles à entrevoir
aujourd’hui. Sans doute en raison de environnement et de l’effet de
serre, il bénéficie d’un avantage certain, et avec la prise de
conscience des pics de pollution atmosphérique que la plupart de nos
grandes agglomérations ont atteint durant les canicules, le marché du
GPL carburant pourrait commencer à se développer en France, à l’instar
de l’Italie ou des Pays-Bas, du Japon, de la Corée. de l’Australie ou du
Canada. Le rapport Souviron, publié en 1995, souhaite très explicitement
un réaménagement de la fiscalité sur les carburants et un encouragement
à la création de flottes au GPL/C, seul carburant propre capable de
réduire d’au moins 50 % les émissions polluantes des véhicules, et
utilisable par tous.
Le nucléaire devrait profiter des progrès technologiques qui lui
permettront un allongement des cycles, un raccourcissement des
recharges. une réduction des frais d’entretien, etc. La question
délicate du stockage et du retraitement des déchets nucléaires
radioactifs fait l’objet d’études très poussées, aussi bien en France
qu’en Suède.
Pour le stockage final du combustible irradié, la loi suédoise de 1984 a
fixé le début des opérations en 2010, et en l’état actuel des
recherches, le combustible est isolé dans des conteneurs en cuivre
scellés, à réceptacle en acier et entourés de bentonite fortement
compactée dans la roche, à 500 mètres de profondeur, dans le sous-sol
primaire rocheux. Le laboratoire d’Aspo, qui comprend un tunnel de 4
kilomètres de long descendant à une profondeur de 150 mètres, a pour
finalité d’effectuer des essais sur le terrain, à une grande échelle ::
l’emplacement du dépôt profond sera décidé vers l’an 2003.
Aucune pénurie d’approvisionnement en combustible n’est envisageable
actuellement et si les problèmes de sécurité que connaissent certaines
centrales nucléaires des pays d’Europe centrale et orientale trouvent
rapidement leurs solutions, (de tentatives de désinformation), la
perception du risque nucléaire, aujourd’hui exclusivement subjective
comme le fut en son temps le risque du grisou ou celui des catastrophes
ferroviaires, sera ramenée à ses justes proportions devrait rester comme
l’une des grandes conquêtes de cette fin de siècle.
Enfin, demain verra peut-être l’apparition significative des énergies
nouvelles ; avec en particulier la biomasse issue de la transformation
de l’énergie solaire, car s’il y a une science qui progresse vite en ce
moment, c’est bien la biologie :: biologie végétale pour modifier les
capteurs solaires que sont les plantes, biotechnologies pour en assurer
la transformation et le raffinage :: les conséquences géopolitiques
peuvent-être considérables, car les zones favorables à la production de
la biomasse ne sont pas les mêmes que celles qui produisent les énergies
traditionnelles.
Le progrès technique aidant, les besoins énergétiques de l’humanité
devraient être globalement satisfaits.
Sur le plan de la consommation mondiale. en prenant pour hypothèses
l’augmentation de plus de la moitié de la population mondiale d’ici 2030
et le décollage économique de Asie du Sud-Est, les experts tablent sur
un accroissement de l’ordre de 75 %, dont plus de la moitié serait dû à
l’Asie du Sud-Est, 15% à Asie du Sud et Amérique latine, et 15 % à
Afrique du Nord et au Moyen-Orient.
En France, EDF accepte d’abandonner son monopole d’importation et
d’exportation et de mettre en place une concurrence à la production.
L’organisation d’un marché intérieur de l’électricité en Europe consiste
moins, dans la mise en place d’une concurrence généralisée, que dans la
recherche des moyens d’une plus grande efficacité des systèmes, en
respectant les spécificités et les politiques nationales.
Bernard Barbier conseiller du ministre de l’Economie, et des finances de
l993 à 1995 et auteur d’une dizaine d’ouvrages portant sur les questions
économiques et géopolitiques, a été directeur des études économiques
d’un grand groupe pétrolier. Il répond à une questions d’une Revue de
Politique économique.
On parte beaucoup de grands projets au niveau européen. Quelle est leur
origine ??
Dans son livre blanc sur la croissance la compétitivité et l’emploi paru
en 1993 l’ancien Président de la Commission européenne Jacques Delors
avait suggéré la mise en oeuvre d’importants travaux d’infrastructures
dans des domaines aussi cruciaux que les transports et les réseaux
d’énergie, destinés participer à une relance de l’activité économique au
sein de l’Union. en même temps qu’à un renforcement de la cohésion de
cette dernière. Le Conseil européen réuni, à Bruxelles en décembre 1993
entérina cette proposition. Il décida également la création d’un Groupe
de travail afin d’identifier les projets prioritaires. Un premier
rapport du Groupe présidé par Henning Christophersen fut rendu public
lors du sommet de Corfou en juin 1994. La version définitive intégrant
également des projets dans le domaine de l’environnement, fut délivrée
lors du sommet d’Essen fin 1994.
Un rôle essentiel
Quels sont les objectifs assignés à la politique de réseaux dans le
domaine de l’énergie ?
Classiquement. ils peuvent être regroupés sous trois axes principaux.
Tout d’abord, il s’agit de favoriser la réalisation d’un véritable
marché de l’énergie, libre et exempt de barrières dans toute l’Union.
Celui-ci devrait offrir d’autant plus facilement un approvisionnement
stable et bon marché aux entreprises et particuliers que les échanges
seront rendus possibles par l’abolition des contraintes réglementaire et
qu’un minimum de rationalité sera introduit.
Ensuite, l’objectif est également de contribuer à un développement plus
équilibré entre les différentes régions de Union. notamment en réduisant
les retards sur le pan des infrastructures qui handicapent en
particulier les régions périphériques, isolées ou défavorisées (en
apportant des sources d’énergie là où elles font défaut).
Enfin, il s’agit de renforcer la sécurité générale des
approvisionnements en énergie de l’Union, y compris par la
diversification des sources de la gamme des combustibles disponibles, et
par le renforcement des liens énergétiques, notamment avec les pays tiers.
Au total, la mise en place concrète de réseaux trans-européens d’énergie
devrait donc constituer une contribution significative à la création
d’un marché intérieur de l’énergie et un renforcement de la cohésion
économique et sociale de l’union dans son ensemble. Telle est en tout
cas la philosophie du projet..
Difficultés. Quelle est la place de l’Europe centrale dans cette
stratégie ??
Les réseaux transeuropéens d’énergie n’ont pas pour vocation exclusive
le renforcement des liens au sein de l’union européenne, il s’agit aussi
de permettre un rapprochement accru avec les pays d’Europe centrale et
orientale. Dans cet esprit, plusieurs axes prioritaires ont été retenus
comme, par exemple, l’interconnexion électrique entre l’Allemagne, la
Pologne, les États Baltes et la Finlande. Outre la ligne budgétaire «
réseaux trans-européens » le financement de tels projets peut s’appuyer
sur les programmes « Synergy, Phare » ou encore bénéficier des concours
de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement
(BERD). Des budgets ont déjà pu être mobilisés, comme par exemple pour
la jonction intervenue en octobre 1995 entre les réseaux électriques
UCPTE et CENTREL.
On a toutefois l’impression que les projets patinent…
Ce n’est pas faux- Car, au-delà de l’intérêt manifeste que peut
constituer le renforcement des liens et réseaux en matière d’énergie à
l’échelle de l’Union, il n’en demeure pas moins que leur réalisation
fait face à des difficultés.
Que sont-elles ?
Elles sont tout d’abord d’ordre technique. Contrairement aux entreprises
industrielles. les entreprises de réseaux sont demeurées encore très
largement nationales, orientées vers la satisfaction du marché
intérieur. Il n’est qu’à observer la polarisation des infrastructures
autour de conceptions purement nationales. Ensuite, harmoniser les
systèmes et relier les réseaux signifie rendre compatibles les
structures. Or les entreprises d’énergie répondent le plus souvent à des
statuts juridiques particularistes ancrés dans les spécificités
nationales, et toucher aux statuts particuliers du travail et de la
gestion dans ces entreprises n’est pas chose aisée. L’âpreté des
négociations quant à la définition d’une directive européenne dans le
domaine de l’électricité (prélude à une suivante relative au secteur du
gaz) par exemple, atteste des difficultés qui ne sont pas seulement
techniques. Elles sont aussi… culturelles
Et côté finances ?
La réalisation de ces réseaux trans-européens de l’énergie bute
également en effet sur des contraintes financières. Dans esprit de leurs
promoteurs, ces projets devaient être financés par le secteur privé.
cependant compte tenu de leur rentabilité médiocre, une contribution des
pouvoirs publics nationaux et communautaires s’avérait indispensable.
Les ressources prévues par le budget européen pour les principaux
réseaux sur la période 1995-2000 ont été limitées à 1.8 milliard d’écus,
ce qui est bien faible face aux besoins. Et il est quasi certain que les
ministres des Finances européens s’opposent à tout accroissement
budgétaire. Bien sûr. au nom de l’orthodoxie budgétaire. Mais aussi
peut-être parce que le budget communautaire devrait vraisemblablement
prendre à sa charge une partie importante du coût de l’abattage du
cheptel britannique contaminé par la maladie dite de la vache folle.
Mis à part la politique de l’Union européenne et. matière de réseaux
transeuropéens d’énergie. quels sont aujourd’hui les grands défis dans
ce domaine ?
A l’échelle de notre continent, plusieurs évolutions méritent d’être
soulignées. En particulier, comment ne pas mentionner la multiplicité
des projets d’oléoducs ou de gazoducs partant de Russie, d’Asie centrale
ou du Moyen-orient et se dirigeant vers Europe occidentale. De ce point
de vue, les enjeux stratégiques sont clairs. Pour l’Europe, le mot
d’ordre est la sécurité des approvisionnements. Celle-ci passe par la
diversification de ses fournisseurs ; Pour les pays producteurs,
l’objectif est de rendre à moindre coût et le plus facilement possible
leurs cargaisons sur le marché solvable le plus proche » l’Europe ».
Mais à ce jeu, les paramètres politiques sont étroitement imbriqués aux
aspects économiques. Certes, les coûts sont élevés et. à cause de cela.
de nombreux projets ne verront pas le jour de sitôt. Mais le jeu des
acteurs brouille souvent la visibilité des projets. L’exemple le plus
évident concerne le cas de la Caspienne. Cette mer fermée et ses
pourtours s’affirment jour après jour comme un nouvel Eldorado
pétrolier. Mais une fois produites, comment écouler les quantités de
pétrole ??
Des projets d’oléoducs partant d’Azerbaïdjan vers la Turquie existent
bien, mais Moscou s’y oppose. utilisant notamment l’argument de
l’incertitude du statut juridique international de la mer Caspienne.
Moscou privilégie en fait un tracé passant sur son territoire (notamment
à travers la Tchéchénie jusqu’au port de Novorossirsk) qui lui
donnerait. de fait, outre des revenus liés au droit de passage, un
formidable moyen de pression sur une région Caspienne il y a peu de
temps encore soviétique…